• Voici un texte que j'aime énormément :

     

    Ne fermez la porte

     

    Jean-François BERNARDINI
    Bercy, le 27 Janvier 1996
    (Version « notes, textes et chansons »)

     

     

    Ils ont longtemps marché
    Ils viennent de ces chemins
    Où les hommes et les femmes
    N'ont jamais eu qu'un coin du feu
    Pour y chanter la peine l'amour et le travail

    Ils sont des gens du bord de l'eau et de la terre

    Là-bas
    Chez eux où la parole commence par le chant
    Chez eux où le vent de l'histoire des autres
    A souvent déchiré la paix sur leurs rivages
    Leur laissant au cœur de vieux chagrins

    Ne fermez pas la porte

    Ils viennent d'une mémoire
    Qui n'est pas racontée sur les bancs des écoles
    De ces mémoires
    Que seules les pierres racontent encore

    Ce qu'ils ont au coeur est sur leur visage

    Les mots qu'ils disent sont des mots simples
    Qui parlent de vie de dignité
    Quand d'autres pourraient croire
    Que chez eux tout est perdu
    Quand d'autres pourraient croire
    Que tout s'est arrêté dans les veines de leur avenir

    Un jour
    On leur a dit que leur langue n'en était pas une
    Que leur terre était pauvre
    Ils y ont consenti
    Ils n'y ont jamais cru

    Ne fermez pas la porte

    Dans les mains
    Comme un geste d'amour du côté humble de la vie

    Ils portent un bouquet de leur terre
    Pour dire tous les arbres
    Toutes les forêts
    Tous les amours de chez eux
    Dans les mains ils ont aussi une lumière

    Comme celle qui brille dans leur maison
    Là où ils vivent
    Au pied d'une montagne fleurie
    Ornée de couronnes de pierres
    Petites murailles empreintes des pas
    De leurs premiers jardiniers

    Là où ils vivent
    Au coeur de ces petits villages de pierre grise
    Leurs châteaux
    Qui portent des noms comme des poèmes
    È quandu u primu ragiu si pesa nantu à u Monte Cintu
    L'Alcudina o U San Petrone
    Quand le jour se lève à Calasima
    Leurs rêves à eux parlent de reconnaissance
    De fraternité
    D'humanité

    Quand ils quittent ces châteaux-là
    Plus ils s'en éloignent
    Plus leurs coeurs y font retour
    Mais ce qui les lie ì leur terre
    Ne les oppose pas à tout ce qui les lie aux hommes
    À tous les hommes
    À tous les peuples

    Ils ne sont pas que différents
    Mais tellement semblables
    Humains
    Faibles et forts à la fois

    Ne fermez pas la porte

    Parfois il fait nuit sur leur chemin
    Leur veilleuse tremble
    Il leur arrive de tomber
    Et quand chez eux un homme tombe
    Quand une âme se perd
    Quand un cœur s'égare
    D'autres lui donnent la main
    Le ciel reste muet
    On dit que les portes se ferment

    Chez eux
    Quand les hommes se taisent
    C'est qu'ils n'ont pas de mots pour le dire
    C'est qu'ils ont beaucoup à dire
    Une blessure
    Une envie de guérir
    Les mots qui ne leur viennent pas danser sur les lèvres
    S'en vont hurler au fond de l'âme
    Chez eux
    Quand les hommes se taisent
    Ce n'est pas pour piétiner la justice
    C'est pour lui laisser sa place

    Le silence c'est leur révolte
    Le silence
    C'est leur non violence à eux
    Leur cri
    Leur frontière
    Leur retrait avec l'injustice

    Le mot amour
    Ils ne le disent qu'avec précaution
    Mais il est partout dans l'air

    Il est des mots dont ils pensent
    Que moins on les prononce
    Plus ils se font entendre

    Ce soir
    Autour du chant qui réchauffe la rencontre de soi
    La rencontre de l'autre

    Ils cherchent un feu de joie
    La fin d'une peine
    Ils cherchent ensemble
    Le mot
    Le regard
    Le geste
    Qui pourrait faire frémir la montagne

    Comme une réponse à tout ce qui trahit
    Comme une réponse à tout ce qui oublie .....


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